Les aides fiscales coûteuses pour l’Etat
Dans un rapport sur les aides publiques à la rénovation énergétique, les services des ministères des Comptes publics et de la Transition écologique taclent l’efficacité du crédit d’impôt (CITE) et de la TVA à 5,5%, coûteux pour l’Etat.
Alors que le gouvernement doit présenter sa feuille de route pour rénover les sept millions de logements privés très énergivores en dix ans, les ministères des Comptes publics et de la Transition écologique ont évalué l’efficacité des aides publiques existantes, destinées aux ménages.
Ces dispositifs de soutien sont fiscaux (crédit d’impôt transition énergétique (CITE), TVA à taux super-réduit à 5,5%) ou financiers (éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ), programme Habiter mieux de l’Agence nationale de l’habitat (Anah)). Ils ont représenté près de 3,2 milliards d’euros en 2016 débloqués par l’Etat, chiffrent l’Inspection générale des finances (IGF) et le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD). Dans leur rapport paru le 11 octobre, ils estiment que ces aides publiques présentent des résultats « modestes, au regard de l’effort financier réalisé ». Les rapporteurs proposent des pistes d’amélioration et « insistent » auprès du gouvernement pour qu’il « stabilise » les dispositifs existants, une fois qu’ils auront évolué, sur la durée du quinquennat.
Recentrer le CITE sur les fenêtres et abaisser son taux à 20%
L’IGF et le CGEDD rappellent que le CITE et la TVA à 5,5%, non conditionnés aux ressources des ménages, sont les deux principaux dispositifs, en termes de coûts dépensés par l’Etat. Le crédit d’impôt représente « un peu plus de la moitié » des finances publiques dédiées à la rénovation en 2016 et la TVA, « un peu moins du tiers ». Soit un coût respectif de 1,7 Md€ et 1,1 Md€ en 2016.
Ces deux aides fiscales viennent encourager la réalisation de travaux à « des normes supérieures à celles de la règlementation, équipement par équipement, mais sans exigence minimale quant au progrès global réalisé ». L’IGF et le CGEDD relancent le débat sur le recentrage du CITE attribué aux changements de fenêtres qui induisent « une dépense publique importante » mais présentent « un rapport très défavorable entre l’euro dépensé et l’économie induite ». Le taux unique à 30% du crédit d’impôt et la suppression de toute condition de bouquet de travaux ont « multiplié par cinq » les dépenses relatives au remplacement des fenêtres entre 2013 et 2015. Or, les travaux, conduits par l’Ademe, démontrent que « le montant moyen de CITE nécessaire pour permettre une économie d’énergie d’un MWh (mégawattheure), en réalisant l’isolation des parois vitrées, est de 1.350 euros alors qu’il n’est que de 100 euros pour l’isolation de la toiture ».
L’IGF et le CGEDD estiment donc qu’il faut « réduire de moitié » l’assiette de dépenses pour le CITE liées aux fenêtres jugées « moins efficaces pour améliorer la performance du logement ». La baisse de 30 à 15% du CITE, appliquée aux fenêtres, portes et volets le 27 septembre dernier, devrait être décalée au 1er janvier 2018, dans le projet de loi de finances 2018, en cours d’examen au Parlement. Le Président Emmanuel Macron, devant les membres de la Fédération française du bâtiment (FFB), s’était positionné le 6 octobre en faveur d’une sortie moins brutale du dispositif actuel pour ces équipements. Le crédit d’impôt applicable à ces dépenses pourrait être complètement supprimé à compter du 1er juillet 2018.
Le crédit d’impôt ne permet pas non plus de « faire porter prioritairement l’effort » sur les constructions anciennes datant d’avant 1974, où se trouvent les logements les plus énergivores (étiquetés F ou G) que la loi de transition énergétique oblige à rénover d’ici 2025, critique le rapport. De même, la faible part du logement collectif au sein des travaux de rénovation énergétique déclarés au CITE est « préoccupante ». D’autant que plus de 60% des immeubles collectifs, construits avant les années 1970, sont « davantage susceptibles de présenter des performances énergétiques médiocres ». La mission préconise ainsi de conditionner l’obtention du CITE à la réalisation d’au moins deux gestes de rénovation (bouquet de travaux), pouvant inclure un audit énergétique du logement « de moins de cinq ans ». Les rapporteurs recommandent aussi de retenir un taux unique à 20% pour le CITE. « En contrepartie, le plafond de travaux éligibles pourrait être relevé à 12.000 € pour une personne seule et 24.000 € pour un couple, afin de mieux prendre en compte le coût important des travaux de rénovation globale ».
Supprimer la TVA à 5,5%
L’IGF et le CGEDD préconisent aussi de « supprimer » le taux super-réduit de TVA à 5,5% sur les équipements, dont l’application, depuis 2014, est « complexe » pour l’administration fiscale et pour les professionnels. En 2014, le taux de TVA applicable aux autres travaux d’entretien-amélioration des logements a aussi été relevé à 10%. « Dans un contexte où coexistent deux taux assez proches, dont l’écart avec le taux normal est par ailleurs significatif, les ménages ne peuvent que difficilement comprendre le jeu des différents taux et les assiettes de travaux correspondantes », pointe le rapport. Le taux réduit de TVA, non conditionné aux ressources des ménages, présente aussi « l’inconvénient de ne pas cibler les ménages les plus modestes ni les travaux les plus efficients ». Contrairement au CITE et aux autres dispositifs d’aide, ils n’excluent pas de faire bénéficier les propriétaires de résidences secondaires. Or, »les dépenses énergétiques de ces logements, qui sont moins occupés que des résidences principales, sont également moindres ».
Les rapporteurs jugent par conséquent qu’il faudrait rétablir un taux de TVA unique à 10%, dans la loi de finances, « pour les travaux d’amélioration de la qualité énergétique des logements de plus de deux ans et les autres travaux d’entretien-amélioration des logements ». Ce taux unique permettrait de réduire la dépense fiscale estimée à 348 M€.
L’éco-PTZ doit « monter en charge »
L’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) permet également aux ménages de financer le reste à charge du montant de leurs travaux, réalisés par une entreprise labellisée Reconnue Garant de l’Environnement (RGE). Mais ce dispositif « reste globalement peu mobilisé » par les ménages, observent l’IGF et le CGEDD, « dans un contexte de taux bas et de faible appétence des banques pour le produit ». L’éco-prêt a pourtant été remanié au cours des dernières années pour en faciliter les conditions de recours (alignement des équipements éligibles avec ceux éligibles au CITE et possibilité de cumuler les deux dispositifs sans condition de ressources). L’éco-PTZ représente une dépense fiscale de 65 M€ en 2017. La mission recommande néanmoins de maintenir le dispositif jusque fin 2018, en simplifiant le fonctionnement. L’éco-PTZ pour les copropriétés « doit poursuivre sa montée en charge », estiment les rapporteurs.
Ils déplorent également que l’éco-prêt « Habiter mieux » de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), lancé en janvier 2016 en faveur des propriétaires modestes, n’est toujours pas distribué et dépend d’un fonds garant, créé par la loi de la transition énergétique. Les rapporteurs appellent aussi à « sécuriser » le financement de l’Anah pour répondre à son objectif « ambitieux » initialement prévu de 100.000 logements rénovés pour 2017. Le plan quinquennal d’investissement du gouvernement prévoit d’augmenter le budget de l’Anah de 1,2 milliard d’euros pour rénover 375.000 logements d’ici 2022.